Pascale Mussard, India song, Marie Claire, 2008
Désert de Kutch, Gujarat, Inde, 2008
Je suis sous le plus beau des ciels du monde!“ Drapée dans un khadi,
Pascale Mussard contemple l’immensité du ciel étoilé au-dessus du désert
de Kutch. Nous sommes au fin fond de l’Inde, à la frontière du
Pakistan, dans l’état du Gujarat. De retour à Paris dans son bureau du
Faubourg St Honoré, elle évoque son voyage, transmet ses émotions, ses
expériences, confie ses trésors... et lève ainsi le voile sur l’Inde
d’Hermès.
C’est une suite logique. L’année dernière, nous avions choisi la danse, ce qui nous a amenés à embrasser toutes sortes de danses. Des danses qui racontent, qui témoignent, et dans le corps, et dans les mains, et dans les yeux... Et l’on s’est aperçu que le berceau de la danse, c’était l’Inde. D’ailleurs, n’importe quelle femme indienne, même la plus simple, a une façon incroyable de se mouvoir, avec une grâce, une légèreté... Donc, tout naturellement, après la danse, venait l’Inde.
Il y a des aventures personnelles. Jean-Louis Dumas a toute sa vie eu une véritable attirance, un amour, pour l’Inde. Dans les années 60, il est parti en 2CV, depuis Paris. C’était vraiment un voyage initiatique. Ensuite, il n’y a pas eu d’année où il n’y soit pas retourné, quelquefois même plusieurs fois par an. Pour ma part, je n’y étais jamais allée. Mais mes parents avaient l’habitude d’accueillir des gens du monde entier. J’appréciais tout particulièrement les Indiens. Ils avaient une façon d’être autrement, de ranger leurs affaires d’une façon spéciale... On n’avait jamais l’impression de les déranger. Quand nous avons choisi ce thème de l’Inde, Pierre-Alexis Dumas et moi avons souhaité y emmener tous ceux qui s’occupent de la création chez Hermès. Nous avons été accueillis de façon extraordinaire. J’ai enfin compris les 30 ans d’amour de Jean-Louis Dumas (et de ma mère aussi) pour ce pays. Les valeurs fondamentales de la maison Hermès sont des choses tout à fait normales en Inde. Il existe une opposition fondamentale chez Hermès : nous sommes très rigoureux (une rigueur protestante) mais nous sommes aussi très fantaisistes. L’Inde est très luxuriante, très gaie, mais c’est aussi un pays très dur. Notre rapport au temps est aussi très similaire. Le temps en Inde peut être très lent. On y prend le temps de faire. C’est aussi le temps de la réflexion, le temps de l’incubation. Comme pour le danseur, il faut répéter, affiner, revenir. Le temps, c’est aussi l’héritage. Celui que j’ai reçu de ma famille. Celui qu’ont également reçu certaines personnes qui sont dans nos ateliers depuis trois générations. En Inde, c’est pareil. C’est la famille qui transmet le savoir- faire, l’expérience.
Oui vraiment. J’avais la sensation d’être dans un endroit connu, d’être en famille. Il faut dire aussi que j’étais dans le Gujarat. Il y a beaucoup d’ateliers. Je n’étais pas dépaysée. J’ai grandi dans cette atmosphère. J’ai même pensé que si je n’étais pas chez Hermès, je vivrais là et je me battrais pour que le « made in India » devienne un label de luxe, d’excellence.
C’est une des premières choses à laquelle on pense et nous, occidentaux, faisons plutôt référence aux épices. On pense au rose aussi. Mais pour eux, c’est le blanc. Ou plutôt les blancs. Il y en a 7. Ils m’ont donné un texte magnifique, presque un poème à ce sujet. Et puis, il y a le rouge. On m’a offert un très joli bouquet de petits bracelets rouges. Ils sont faits d’un fil de coton noué autour d’un petit morceau de papier roulé sur lequel est écrit un petit message porte-bonheur en sanscrit. Ils se portent au poignet droit. Le rouge est vraiment magnifique.
Pour moi, c’est le khadi. C’est léger... Or aujourd’hui, on a de plus en plus besoin de légèreté, dans la vie, dans nos rapports avec les autres... On est comme un funambule sur un fil. On a besoin d’objets légers aussi. Je garderai toujours à l’esprit les champs de coton, à perte de vue, dans le Gujarat. Avec ces femmes qui le ramassent.
Oui mais surtout celui du désert de Kutch. Un désert aride à la frontière du Pakistan. Un paysage rugueux. Les écologistes y ont implanté un arbre, un épineux qui va chercher l’eau très profond dans la terre, le Mesquite tree. Il s’est trop développé, détruisant d’autres espèces précieuses, au point que son implantation est aujourd’hui fortement remise en cause. Les femmes indiennes en ramassent le bois. Elles en font d’énormes boules grises et noires qu’elles brûlent pour en faire du charbon de bois. Et, ce désert aride, ces énormes boules, le vent... C’est ça Kutch !
Un jour, je me suis levée très tôt. J’ai pu voir Ahmedabad s’éveiller, baignée dans une lumière blanche et bleue. Puis, on m’a emmenée dans un puit immense. L’Adalaj Vav. On y descend, tout y est sculpté, la lumière y entre. Je n’ai pas vu le Taj- Mahal mais ce puit, dans la lumière naissante, était une splendeur ! Ensuite, nous sommes allés dans une forêt. Il y avait des milliers de paons qui faisaient la roue, exposant leurs superbes couleurs. Et là, au bord d’une rivière, une petite maison de terre merveilleuse, décorée de motifs modelés en relief, peints à l’eau de riz, incrustés de galets, de miroirs… On y a pris le petit-déjeuner. Le soleil était déjà haut. Des femmes travaillaient le jardin luxuriant en sari vert, turquoise, orange… Pour moi, c’est ça la lumière de l’Inde, des double-lumières.
La condition des femmes y est très dure, mais elles se battent, elles s’organisent. J’y ai rencontré des femmes extraordinaires dont une qui dirigeait une association de femmes, la SEWA (Self Employed Women's Association). Je savais qu’elle permettait à des femmes dans des situations difficiles de travailler. Ce sont des ateliers où elles travaillent le tissus, font des marionnettes, des sacs... Un travail magnifique ! Cette ambiance d’entraide féminine y est unique. Nous avons travaillé ensemble et nous continuerons car nous souhaitons développer ce genre de partenariat.
Un lota, sans hésitation. Utile et beau. Chaque Indien en a un, dès son plus jeune âge. Il sert à tout. Transporter de l’eau, la réchauffer, se laver...
Une expérience nouvelle, le sentiment que la vie est une merveille parce qu’il y a tous les jours des choses à apprendre, à connaître... Quand je parle de l’Inde, j’ai un sourire, une joie, un bonheur...
Pourquoi avoir choisi « Fantaisies Indiennes » comme thème de l’année 2008 ? Pourquoi l’Inde ?
C’est une suite logique. L’année dernière, nous avions choisi la danse, ce qui nous a amenés à embrasser toutes sortes de danses. Des danses qui racontent, qui témoignent, et dans le corps, et dans les mains, et dans les yeux... Et l’on s’est aperçu que le berceau de la danse, c’était l’Inde. D’ailleurs, n’importe quelle femme indienne, même la plus simple, a une façon incroyable de se mouvoir, avec une grâce, une légèreté... Donc, tout naturellement, après la danse, venait l’Inde.
Quels sont les liens entre Hermès et l’Inde ?
Il y a des aventures personnelles. Jean-Louis Dumas a toute sa vie eu une véritable attirance, un amour, pour l’Inde. Dans les années 60, il est parti en 2CV, depuis Paris. C’était vraiment un voyage initiatique. Ensuite, il n’y a pas eu d’année où il n’y soit pas retourné, quelquefois même plusieurs fois par an. Pour ma part, je n’y étais jamais allée. Mais mes parents avaient l’habitude d’accueillir des gens du monde entier. J’appréciais tout particulièrement les Indiens. Ils avaient une façon d’être autrement, de ranger leurs affaires d’une façon spéciale... On n’avait jamais l’impression de les déranger. Quand nous avons choisi ce thème de l’Inde, Pierre-Alexis Dumas et moi avons souhaité y emmener tous ceux qui s’occupent de la création chez Hermès. Nous avons été accueillis de façon extraordinaire. J’ai enfin compris les 30 ans d’amour de Jean-Louis Dumas (et de ma mère aussi) pour ce pays. Les valeurs fondamentales de la maison Hermès sont des choses tout à fait normales en Inde. Il existe une opposition fondamentale chez Hermès : nous sommes très rigoureux (une rigueur protestante) mais nous sommes aussi très fantaisistes. L’Inde est très luxuriante, très gaie, mais c’est aussi un pays très dur. Notre rapport au temps est aussi très similaire. Le temps en Inde peut être très lent. On y prend le temps de faire. C’est aussi le temps de la réflexion, le temps de l’incubation. Comme pour le danseur, il faut répéter, affiner, revenir. Le temps, c’est aussi l’héritage. Celui que j’ai reçu de ma famille. Celui qu’ont également reçu certaines personnes qui sont dans nos ateliers depuis trois générations. En Inde, c’est pareil. C’est la famille qui transmet le savoir- faire, l’expérience.
Vous vous y êtes sentie chez vous ?
Oui vraiment. J’avais la sensation d’être dans un endroit connu, d’être en famille. Il faut dire aussi que j’étais dans le Gujarat. Il y a beaucoup d’ateliers. Je n’étais pas dépaysée. J’ai grandi dans cette atmosphère. J’ai même pensé que si je n’étais pas chez Hermès, je vivrais là et je me battrais pour que le « made in India » devienne un label de luxe, d’excellence.
L’Inde a-t-elle une couleur ?
C’est une des premières choses à laquelle on pense et nous, occidentaux, faisons plutôt référence aux épices. On pense au rose aussi. Mais pour eux, c’est le blanc. Ou plutôt les blancs. Il y en a 7. Ils m’ont donné un texte magnifique, presque un poème à ce sujet. Et puis, il y a le rouge. On m’a offert un très joli bouquet de petits bracelets rouges. Ils sont faits d’un fil de coton noué autour d’un petit morceau de papier roulé sur lequel est écrit un petit message porte-bonheur en sanscrit. Ils se portent au poignet droit. Le rouge est vraiment magnifique.
Le coton, c’est ce qui représente le mieux l’Inde ? On pense plutôt à la soie ?
Pour moi, c’est le khadi. C’est léger... Or aujourd’hui, on a de plus en plus besoin de légèreté, dans la vie, dans nos rapports avec les autres... On est comme un funambule sur un fil. On a besoin d’objets légers aussi. Je garderai toujours à l’esprit les champs de coton, à perte de vue, dans le Gujarat. Avec ces femmes qui le ramassent.
C’est le paysage que vous retiendrez de l’Inde ?
Oui mais surtout celui du désert de Kutch. Un désert aride à la frontière du Pakistan. Un paysage rugueux. Les écologistes y ont implanté un arbre, un épineux qui va chercher l’eau très profond dans la terre, le Mesquite tree. Il s’est trop développé, détruisant d’autres espèces précieuses, au point que son implantation est aujourd’hui fortement remise en cause. Les femmes indiennes en ramassent le bois. Elles en font d’énormes boules grises et noires qu’elles brûlent pour en faire du charbon de bois. Et, ce désert aride, ces énormes boules, le vent... C’est ça Kutch !
Et la lumière ?
Un jour, je me suis levée très tôt. J’ai pu voir Ahmedabad s’éveiller, baignée dans une lumière blanche et bleue. Puis, on m’a emmenée dans un puit immense. L’Adalaj Vav. On y descend, tout y est sculpté, la lumière y entre. Je n’ai pas vu le Taj- Mahal mais ce puit, dans la lumière naissante, était une splendeur ! Ensuite, nous sommes allés dans une forêt. Il y avait des milliers de paons qui faisaient la roue, exposant leurs superbes couleurs. Et là, au bord d’une rivière, une petite maison de terre merveilleuse, décorée de motifs modelés en relief, peints à l’eau de riz, incrustés de galets, de miroirs… On y a pris le petit-déjeuner. Le soleil était déjà haut. Des femmes travaillaient le jardin luxuriant en sari vert, turquoise, orange… Pour moi, c’est ça la lumière de l’Inde, des double-lumières.
Quel regard portez-vous sur la femme en Inde ?
La condition des femmes y est très dure, mais elles se battent, elles s’organisent. J’y ai rencontré des femmes extraordinaires dont une qui dirigeait une association de femmes, la SEWA (Self Employed Women's Association). Je savais qu’elle permettait à des femmes dans des situations difficiles de travailler. Ce sont des ateliers où elles travaillent le tissus, font des marionnettes, des sacs... Un travail magnifique ! Cette ambiance d’entraide féminine y est unique. Nous avons travaillé ensemble et nous continuerons car nous souhaitons développer ce genre de partenariat.
S’il ne fallait ramener qu’un seul objet d’Inde, ce serait...
Un lota, sans hésitation. Utile et beau. Chaque Indien en a un, dès son plus jeune âge. Il sert à tout. Transporter de l’eau, la réchauffer, se laver...
Comment résumeriez-vous votre expérience indienne ?
Une expérience nouvelle, le sentiment que la vie est une merveille parce qu’il y a tous les jours des choses à apprendre, à connaître... Quand je parle de l’Inde, j’ai un sourire, une joie, un bonheur...