Sèverine Harzo

Journaliste et autrice

Donna DeMari, À fleur de robe, imagestory.fr, 2014


Donna Demari
Mottled on black
Donna et moi, c’est une vieille histoire. Il y a quelques décennies, nous collaborions toutes les deux pour un magazine de mode particulièrement reconnu à l’époque. On était les “juniors“ de l’équipe et on nous a envoyées photographier des maillots de bain fin Novembre à Deauville ! La saison suivante, nous sommes sagement restées dans les arrière-cours parisiennes en plein Juillet pour shooter de longs et épais manteaux saluant au passage l’esprit de Corto Maltese.

Pendant ces deux saisons et un peu après, Donna et moi sommes devenues amies, rapprochées par une passion commune pour les chevaux. Donna était cavalière, je l’étais également, et venue de New York, elle cherchait un lieu proche de Paris où trouver une présence équine. Elle m’a donc accompagnée les week ends à Chérence, dans le Vexin français. Il y avait (et il y a toujours) dans ce charmant village français, à 70km de Paris, une écurie où je montais régulièrement. Donna venait avec un appareil photo. Je la voyais voler des images au milieu des activités équestres mais je n’avais jamais eu l’occasion de voir le résultat de ses prises de vue.

Et puis Donna est repartie vers les États Unis. On s’est écrit un peu au début en espérant que l’une aurait l’occasion de retrouver l’autre d’un côté ou de l’autre de l’Atlantique. Le temps a passé. Nous nous sommes perdues de vue. Il y a quelques années, nous avons repris contact via Facebook et en me promenant sur la toile avec elle comme fil rouge, je suis tombée sur ses photographies équines: simples, sensibles, discrètes, à fleur de peau, ses images lui ressemblent. L’absence de mise en scène. La lumière seule qui tourne autour de l’animal, révélant les reflets de sa robe, les courbes de ses formes. Et le regard de la photographe qui capture ces moments de grâce, les effleurant à peine, à l’insu du sujet principal.

Je ne savais pas que la genèse de ce travail avait eu lieu à Chérence pendant nos week ends équestres. Donna y a shooté, un peu, en argentique et puis elle est repartie vers l’Amérique, rangeant les films dans une boîte à chaussures sans les faire développer. Comme Vivian Maier. Là-bas, elle s’est mariée et, mettant entre parenthèse sa carrière pourtant prometteuse de photographe de mode, elle s’est isolée en couple au milieu des paysages sauvages des Berkshires du Massachussetts. L’amour n’a pas résisté à la vie sauvage mais en rangeant la maison, Donna a retrouvé la boîte à chaussures et fait développé les films. Tout était déjà là, dans ces quelques bobines en noir et blanc.

À partir de là, tout est allé très vite. Elle a continué à photographier les chevaux avec toute la délicatesse qui la caractérise. Ses images ont peu à peu été exposées dans de petites galeries locales jusqu’à ce que les équipes de Ralph Lauren la contacte pour lui acheter ses photos et les exposer dans leurs boutiques du monde entier. Il y a eu des commandes, des livres, d’autres expositions...

Les chevaux ont beaucoup inspiré et continuent d’inspirer les photographes. Pourtant peu de livres valent vraiment le détour. Pour bien les photographier, il faut bien les connaître. Je pense au superbe Equus de Tim Flach et au Horses de Jill Greenberg. J’aime aussi et surtout, et depuis longtemps, les images équines de Camille Vivier. Elle et Donna s’intéressent plus à la beauté sensible qu’à la beauté plastique.