Sèverine Harzo

Journaliste et autrice

#25. LES ORTIES



    Ils étaient trop grands pour passer des vacances chez les grands-parents. Une évidence qui avait échappée à leurs parents. Deux semaines passées au vert déjà, à errer entre champs et forêts, à traquer la bêtise. Le pire, c’était l’heure de la sieste. On ne les obligeait heureusement plus à se mettre au lit mais pendant cette sacro-sainte pause digestive, il fallait se tenir tranquille. Le vieux avait l’habitude de se retirer dans la mansarde où il s’était aménagé une chambre depuis que la grand-mère avait décidé qu’elle avait passé l’âge de partager sa couche. De là-haut, il imposait le silence à toute la ferme. Au moindre bruit, il se mettait dans une colère noire et sa méchante humeur rayonnait jusqu’au soir. Quel vent soufflait ce jour-là pour qu’ils se soient ainsi sentis pousser les ailes de la révolte ? Une fois les portes et les volets clos, ils avaient laissé le silence s’installer sur la maison et en bloquant leur respiration, à tour de rôle, ils avaient cueilli un bouquet d’orties qu’ils avaient déposé sur le paillasson devant la porte du grand-père. Ils avaient alors dévalé l’escalier extérieur quatre à quatre en riant haut et fort. Ils n’avaient pas eu le temps d’arriver en bas que la porte de la mansarde s’était ouverte avec fracas, les figeant dans leur fuite. Puis plus rien. Ils attendirent, tapis sur les premières marches, blottis l’un contre l’autre, étouffant leurs rires, craignant la sentence. Attentifs, fixant leurs Converse, ils ne percevaient que le vol grésillant des insectes. Le vent d’été balançait doucement l’ombre des agapanthes en contre-bas. Soudain, ils reçurent quelques gouttes d’eau qu’ils prirent d’abord pour de la pluie avant de comprendre que le vieux leur pissait dessus depuis l’étage supérieur ! Ils déguerpirent fous de rage. À bonne distance, ils se retournèrent : le vieux se tenait debout sur la terrasse un verre d’eau à la main. Hilare.