Sèverine Harzo

Journaliste et autrice

#23. LA PORTE



    À priori, une porte fermée ne lui disait jusque-là rien de bon. Elle aimait les portes et les fenêtres qui s’ouvrent justement. Sur quelque chose d’autre. Elle pense à un tableau de Matisse représentant une fenêtre qui s’ouvre sur Tanger. La transparence des fenêtres. Vitres grandes ouvertes ou volets clos laissant filtrer la lumière. Les portes, c’est plus opaque, plus secret. On veut les pousser pour découvrir ce qu’elles cachent. C’est comme un jeu. Celui de la découverte. Qui rime avec « ouverte ». Mais cette porte-là, c’est elle qui choisit de la fermer. Pour mieux protéger son monde à elle. Pour en conserver les secrets les plus noueux. Pour initier enfin cette conversation exclusive avec elle-même. Sans interruption aucune. Et donner libre cours à la création. Tout doucement, dans le souffle lent de la porte qui glisse, ou peut être, brusquement, dans le vacarme sec et définitif de la porte qui claque, elle va faire taire le monde dehors, et très égoïstement, elle va le laisser suivre sa course sans elle, le temps de parenthèses qu’elle pourra ouvrir ou fermer à l’infini, comme bon lui semble. Une porte qui, en se fermant, s’ouvre sur sa liberté.